« La Hollande, l’autre pays du fromage ! » Peut-être certains se souviennent-ils de cet ambitieux slogan publicitaire de 1991 qui tentait de convaincre les Français que leur pays n’avait pas le monopole des fromages… S’il n’est pas sûr qu’il ait porté ses fruits, il a sans doute contribué à conforter l’erreur que font hélas beaucoup de Français pour désigner le « Royaume des Pays-Bas » (en néerlandais : Koninkrijk der Nederlanden), le nom officiel de cet autre plat pays, dont l’appellation n’a pas toujours été contrôlée. Penchons-nous sur ses origines, diffuses…
Donc, politiquement, les Pays-Bas sont une monarchie constitutionnelle, mais cette forme de pouvoir centralisé est assez neuve. Entre 1588 et 1795, le territoire actuel des Pays-Bas s’appelait la « République néerlandaise des Sept États réunis ». Conquis par les troupes françaises en 1795, elle devint la « République batave » (Bataafse Republiek ou Bataafsch Gemeenebest), également appelée Batavie, indépendante en théorie, mais sous tutelle française dans les faits. Tiens ? Encore une autre dénomination… « Batave » fait référence au peuple germain du même nom qui se révolta contre la tutelle de Rome au Ier siècle. Les Néerlandais éclairés d’alors voient dans les Bataves leurs lointains ancêtres et progressivement, le mot « batave » en vient à désigner les Néerlandais « patriotes » avant de devenir le gentilé des citoyens de cette éphémère république.
Par la suite, Napoléon nomma roi son frère Louis. La république devint alors le « royaume de Hollande » en 1806. Après la chute de Napoléon et dans le sillage du congrès de Vienne en 1815, le pays conserva cette forme de régime politique. Le royaume uni des Pays-Bas, appelé officiellement en français « royaume des Belgique », avec Guillaume-Frédéric d’Orange-Nassau comme souverain, comptait alors dix-sept provinces. Au gré des soubresauts de l’histoire européenne, l’étendue du royaume varia et le pays évolua finalement vers une démocratie parlementaire.
Alors, pourquoi cette confusion ?
Aujourd’hui, les Pays-Bas comptent douze provinces. Si la Hollande ne recouvre que deux provinces, la Hollande-Septentrionale et la Hollande-Méridionale, ses territoires contribuent fortement, et depuis longtemps, à l’économie et à la prospérité de la nation néerlandaise.
D’ailleurs, ils forment la principale façade maritime du pays et abritent même les deux « capitales », car oui, même au sommet de l’État, les Pays-Bas s’écrivent au pluriel : Amsterdam, en Hollande-Septentrionale, est la capitale politique du pays, mais son centre institutionnel se trouve à La Haye, (Den Haag, diminutif de ’s-Gravenhage, littéralement « La Haie du Comte ») en Hollande-Méridionale, où siègent le gouvernement et le Parlement.
La Haye est aussi mondialement célèbre pour être la capitale de la paix et de la justice internationale : c’est le siège de la Cour internationale du tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, de la Cour internationale de Justice, du Tribunal spécial des Nations unies pour le Liban et d’autres institutions (au total 150 y sont installées). C’est pourquoi, vue de l’étranger, la Hollande est devenue un nom commun pour désigner l’ensemble du pays.
Mais revenons au nom du pays… À l’apogée de la Grande Principauté de Bourgogne, à la fin du Moyen-Âge, les possessions ducales du Nord, qui recoupent le territoire actuel de la Belgique et des Pays-Bas, sont appelées « États de par-deçà », die niederen Rheinlande, soit en français « les basses terres rhénanes », et donc les « pays bas rhénans », puis « Pays-Bas », par opposition aux « États de par-delà » (c’est-à-dire la Bourgogne et la Franche-Comté).
Voilà l’origine du nom de la région historique des Pays-Bas, un terme qui sera attribué au cours des siècles, et sous différentes formes, à plusieurs contrées sur ce même territoire.
Le terme fait aussi allusion à l’altitude peu élevée du pays et à sa lutte permanente contre les eaux. Un quart du territoire des Pays-Bas actuels se situe sous le niveau de la mer, ce sont les fameux polders gagnés sur la mer, protégés par des digues, des dunes et des stations de pompage.
C’est pour cette raison que tant de moulins (ce n’est donc pas que pour les cartes postales !) ont été construits dans le but de pomper l’eau hors des polders. Le terme « Holland », quant à lui, signifierait « pays creux » (hol land) et non « pays du bois » comme le prétend une croyance populaire.
La synecdoque* courante parfois pratiquée par les Néerlandais eux-mêmes consistant à désigner les Pays-Bas par le nom de Hollande, ainsi que les Néerlandais par les Hollandais et parfois même la langue néerlandaise par le hollandais, n’est donc pas aberrante.
Typisch Nederlands
Le néerlandais possède de nombreuses variantes, principalement aux Pays-Bas mêmes, mais aussi en Belgique avec le flamand parlé dans les Flandres. Si l’intercompréhension est quasi-totale, il n’en demeure pas moins des différences orthographiques, mais aussi grammaticales notables. Le vocabulaire aussi est très différent, héritage de deux cultures qui, même si elles ont eu un passé commun à un moment de leur histoire, ont divergé.
Ainsi, le néerlandais recourt plus facilement aux emprunts étrangers que le flamand.
Avec la colonisation, d’autres dialectes se sont développés, notamment en Afrique du Sud, avec l’afrikaans, la langue des Boers, les descendants de colons néerlandais, mais aussi français et allemands.
Au fait, avez-vous déjà remarqué qu’en anglais, on disait Dutch pour désigner le néerlandais et non l’allemand (Deutsch) ? Mais ça, c’est une autre histoire…
* Figure de style consistant à désigner le tout par une partie.
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